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Contre plongée sur mon être
Mes mains volent à mesure que mes mots se libèrent. Ils se veulent surréalistes, ils deviennent vite évasifs. Mon cœur bat calmement. Il s’est délesté de son effroi. C’est lent, c’est mou, c’est bien. Une folie douce qui ne l’est jamais. Des incohérences qu’il est bon de mettre en scène. C’est une, parfois sombre, lueur d’espoir. Je la repère aux battements de mon cœur, qui accompagnent le rythme de mes doigts vagabondant, de lettres en lettres, sur un clavier électronique. Mes yeux brillent aux éclats. Contre-plongée sur mes souvenirs.
Nos musiques sont africaines. Nos peines sont justicières, nos amours inespérés.. Nous avons chanté un mois. Nous avons chantés « Ensemble ». Un ami se le grave sur le bras, dans toutes les langues du monde. Nos esprits apprennent à s’éclairer.
Six années ont passé. Nous sommes ici. Des cœurs décrépissent par lambeaux. Nos doutes sont des hantises.
J’aime cette première personne. Celle qui est plurielle. Elle a cette faculté innée de lier les Hommes, tisser leurs âmes. Elle m’appartient. Elle nous reflète. Elle abrite la pensée « Ensemble ». Elle est parfois trop vague, embarrassante. Elle se fait jongleuse. Elle est aussi humaine. Nos rêves peuvent-ils être réels ; nos réalités, inconscientes ? Ici, « Je suis », surtout, mais je veux « Nous sommes ». « Ensemble ». Nous y pensions, nous le criions, nous le chantions. Ici, nous le réfléchissons, le mettons de côté chacun à nos manières. Beau et fort en nos ailleurs, Il est rigide sur notre terre. Nos retours sont des exodes.
Je pleure de ne pas vouloir, de ne pouvoir alors, atténuer mon décalage s'il vous paraît revêtir un caractère pathologique. Si souvent, je le ressens idéologique. Vous me dites que je devrais me faire aider, me faire soigner. Je vous réponds que je le fais mais que guérir de ses névroses les plus tenaces peut prendre des années. N’est-ce pas ce qu’un thérapeute précise à son patient, au cours de leur première séance? J’ai seulement préféré, à l’écoute de ce docteur, les perforations d’une feuille blanche au cœur de mes intimes pensées.
Nous avons quitté des Hommes auprès de qui, les liens apparus me sont encore indicibles. Nous avons laissé des villageois vivre jour après jour, leurs fêtes à la vie, leurs requiem agricoles. Le jour même du retour, nous sentions déjà une ombre, rôder derrière le bonheur de retrouver nos aimés. En effet, le mal du «vivre occidental" nous attendais de pied ferme. Nous aurions pu repousser notre vol de plusieurs mois ; ainsi, être mieux armé pour affronter ce mal au fort potentiel mais... "Nos projets sont là-bas". "Les cours reprennent dans une semaine". "Nos mères s'inquièteraient". "On est attendu". Nous avions vingt ans. Aujourd’hui, nos éclaircies en ont été faites prisonnières. Nous sommes bloqués ici. Nous sommes des écroués sur notre terre natale.
« Ensemble » n’est plus qu’un rêve inachevé; une pensée gangrénée par la peur de ne plus savoir contrôler ses dérives névrotiques. Une peur que nous devons coûte que coûte réfléchir, afin de faciliter son apaisement. Nos peurs sont une de nos plus belles preuves d’Humanité mais paradoxalement, notre plus grande fragilité face à nos démons. J’ai voulu « nous sommes », je dois reprendre « je suis ».
Mon corps se délite. Je repère alors ma peur la plus profonde et tente de l’apaiser. Je veux lui montrer les ravages de la colère qu’elle engendre, une fois développée, échappant à mon contrôle. Je dois l’empêcher de gagner en influence sur mes choix. Mes inconstances, mes digressions ? Oui, Elles sont le reflet de mon histoire. Bizarre ? Je ne sais pas. Je suis conscient. Je crois. Je me suis fidèle. Je le veux, depuis que je me refuse de dénier l’existence de mes démons. Le jour où j’ai voulu les affronter, j’ai été vaincu. Echec grisant. Je lutte contre une frustration qui me tient à terre. Ce jour, je ne le regrette pas pour autant. Depuis, je sais quelque chose d’important. Je dois constamment me battre, rester vigilant pour mériter détenir ces dignités, ces libertés qui nous sont chères.
Depuis ce jour, je traverse de sombres endroits en quête d’un équilibre qui me sera salvateur. Je ne vis plus. Seul ce dernier peut me permettre d’acquérir le courage de vivre. Je réfléchis au chemin le moins sinueux pour enfin conquérir mon graal.
Je veux vivre. Je respire. De nouveau, je sais vivre « ensemble ». Je veux parvenir à conserver ce savoir-vivre fuyant, aussi longtemps qu’il me sera donné de jouir des légèretés de nos êtres.
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Commentaires
Début de voayge chez toi, premier plaisir, aussi longtemps qu'il nous sera donné... au fil des jours je viendrai vous lire.